Le Parti Révolutionnaire Cubain et son legs


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Quand le Comité Central du Parti Communiste de Cuba a été fondé en 1965, j’étais à peine adolescente et je ne comprenais pas ce que pouvait signifier ce fait pour l’avenir du pays, mais je me souviens spécialement l’impact reçu avec la lecture par Fidel de la lettre d’adieu du Che avant de partir pour une mission en Afrique. L’adoption du nom pour l’organisation de l’avant-garde de la Révolution et la présentation du premier Comité Central ont marqué une étape importante de la maturité d’une société qui, pour la première fois dans l’hémisphère occidental, faisait ses premiers pas vers la construction du socialisme.

Il est indéniable que le Parti Communiste de Cuba, en se plaçant à la tête du processus révolutionnaire, a joué un rôle essentiel dans la réalisation de l’unité, sans laquelle il n’y avait aucune garantie de continuité et de permanence de la Révolution. Le Parti a surgi de l’union volontaire des femmes et des hommes provenant du Mouvement 26 Juillet, du Directoire du 13 Mars et du Parti Socialiste Populaire, des organisations ayant une ferme position de lutte contre la dictature de Batista et qui se sont nourries de l’idéologie et du savoir-faire politique et révolutionnaire de José Martí.

Dans un pays où, historiquement, la désunion a été la cause de l’échec de plus d’un processus émancipateur, il se peut que l’un des plus grands apports que nous a légué le Parti Révolutionnaire Cubain (PRC), fruit de la tenace lutte de Martí face aux tendances contraires à l’indépendance, comme l’annexion et  l’autonomisme, les contradictions dans les rangs révolutionnaires et la dangereuse expansion de l’impérialisme étasunien, a été l’unité des principaux acteurs dans la lutte pour l’indépendance et la construction d’une République en révolution.

Après la proclamation du PRC le 10 avril 1892, José Martí a écrit dans le journal Patria : « [...] le Parti Révolutionnaire Cubain, né avec les responsabilités dans les moments de décomposition du pays, ne surgit pas de la véhémence passagère, ni du désir les plus criard et incapable, ni de la terrible ambition, mais de la poussée d’un peuple averti, qui, par le même Parti, proclame, avant la République, sa rédemption des vices qui ruinent la vie républicaine naissante. Il est né un, de toutes parts à la fois. Et il trompera ceux, de l’extérieur ou de l’intérieur, qui le croit extinguible ou fragile. Ce qu’un groupe ambitionne, qu’il tombe. Il perdurera, c’est ce que veut tout un peuple. Le Parti Révolutionnaire Cubain est le peuple cubain » (1).

La création de partis politiques afin de participer aux élections était déjà une pratique courante dans la seconde moitié du XIXe siècle, cependant le Parti Révolutionnaire Cubain de Martí ne prétendait pas imiter ceux qui se disputaient le pouvoir pour continuer à imposer un régime d’exploitation, au contraire, dans une société comme la cubaine, il avait pour mission d’organiser la guerre qui rendrait possible l’indépendance et l’instauration d’une république souveraine « avec tous et pour le bien de tous ». Si nous regardons attentivement son œuvre, nous pouvons voir que Martí a été l’un des premiers critiques des fausses manipulations de la démocratie électorale et un promoteur créatif de nouvelles et supérieures façons de concevoir l’exercice de la politique, dans lesquelles, selon ses conceptions, devait prévaloir une ample démocratie et une sincère reconnaissance de la souveraineté de l’instance populaire.

La création d’un parti politique moderne et révolutionnaire pouvait seulement provenir d’une connaissance réelle, axée sur la science, du processus social. Chez Martí, nous trouvons un leader prêt à connaître cette réalité en contact permanent avec les masses, car son sens politique lui a fait comprendre que l’efficacité de l’action révolutionnaire exigeait à tout moment la participation active, créative, du peuple. C’est de cette conviction que germe l’urgence d’éduquer les travailleurs et de former les meilleures valeurs en ceux-ci. Le dirigeant avait exposé : « sans la prospérité raisonnable, la vie est amère pour les gens ordinaires ; mais elle est un cancer sans les plaisirs de l’esprit » (2), en se référant au rôle du PRC, a dit : « [...] pas ailleurs, le Parti ne prépare une République où la richesse des hommes est la base de son droit, et que celui ayant le plus de richesse a plus de droit, mais une République fondée sur la base que le droit soit l’accomplissement du devoir » (3).

Aucun cubain de l’époque n’a vu, avec autant de clarté que lui, la direction que prenaient les affaires politiques au niveau mondial, et son intérêt pour l’histoire a contribué à ceci, car dans son cas il a un lien opérationnel avec la pratique politique. De cette prémisse émane sa compréhension que le PRC doit travailler « pour lever une nation bonne et sincère dans un peuple qui, s’il perd d’honneur, devra devenir une province en ruine d’une nation stérile ou une usine et un ponton d’un voisin dédaigneux » (4), et comme résultat, l’indépendance de Cuba et Porto Rico n’était pas seulement le moyen « d’assurer le bien-être décent de l’homme libre dans le travail avec les habitants de deux îles, mais l’événement historique indispensable pour sauver l’existence menacée des Antilles libres, l’indépendance menacée de l’Amérique libre et la dignité de la République nord-américaine » (5).

Pour ces raisons, la pensée de Martí a offert, à la génération de Mella et à celle du Centenaire de Martí, que conduisit le jeune Fidel Castro, les fondements de l’anti-impérialisme, la confiance dans le pouvoir des idées justes, la défense de la patrie et de sa souveraineté, la thèse des masses humbles comme les véritables chefs des révolutions, ainsi que l’unité et la solidarité avec les peuples de notre Amérique. Ceci supposait le besoin de connaître en profondeur les spécificités de notre devenir historique afin de ne pas assumer dogmatiquement la continuité du legs de Martí, sans la soumettre aux nouvelles interprétations qu’imposent chaque époque et chaque conjoncture internationale.

Un bref regard rétrospectif sur la décennie des années 90 du 20e siècle, nous oblige à nous rappeler que celle-ci a commencé avec la chute successive des États socialistes d’Europe de l’Est et les tensions économiques, politiques et sociales, et avant tout idéologique, qui ont augmenté progressivement à Cuba à partir de ces événements. Toutefois, ce fut également un moment d’inflexion qui a abouti à un renforcement politique et idéologique de la Révolution, dû principalement à sa cohérence idéologique et qui, pour être la conscience de l’avenir historique national, devait suivre son propre chemin et ne devait pas renoncer aux objectifs primordiaux dans sa projection socialiste, comme le seul moyen de préserver l’existence de la patrie et de la nation cubaine.

Dans des circonstances aussi vertigineuses et spectaculaires que celles de ces années, il était nécessaire de revenir à la base même de l’unité de la nation cubaine, qui se résume brillamment chez Martí, ce qui explique la résistance du peuple cubain ; ainsi que son engagement à soutenir la viabilité d’un projet alternatif sur le continent, et dans le reste du monde sous-développé, face à la croissante globalisation néolibérale.

La réflexion sur l’œuvre de José Martí et ses apports depuis et pour le présent sont en vigueur comme un élément important pour comprendre et analyser les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Il faut donc nous nous penchions sur les faits et les processus du passé comme un grand point de vue, l’avenir se projette depuis cette ancienne réalisation. C’est un fait réel que l’ascension du marxisme et du léninisme à Cuba a été marquée par la régularité historique que tous ceux qui ont assumé cette orientation idéologique ont eu la source initiale de leur formation dans la pensée de Martí, ce qui les a motivé à rechercher une théorie et une méthode capable de promouvoir l’analyse et la transformation de la société cubaine dans les nouveaux courants avancés de pensée.

Le Parti Communiste de Cuba est, à l’heure actuelle, dépositaire du pouvoir politique et de la garantie présente et future de la pureté, de la continuité et de l’avance de la Révolution. Si lors de l’étape de lutte contre la dictature de Batista et dans les premières années après le triomphe de la Révolution, des hommes et des femmes qui faisaient partie de la direction révolutionnaire ont joué individuellement un rôle décisif, ce rôle le joue aujourd'hui le Parti, qui a maintenu vivant le legs patriotique et anti-impérialistes du Parti Révolutionnaire Cubain fondé par José Martí, de nos traditions révolutionnaires durant la République néo-coloniale , et c’est pour cette raison qu’il a été et est le Parti de nos victoires, de la Patrie, de notre avenir.

 

Notes :

1 - José Martí. “El Partido Revolucionario Cubano”, Patria, New York, 3 avril 1892. Dans Obras  Completas, maison d’édition Ciencias Sociales, La Havane, 1991, Tomo 1, page 366

2 – Œuvre citée, Tome 10, page 63

3 - José Martí. “Comunicación a los presidentes de los clubs en el Cuerpo de Consejo de Key West”, New York, 27 mai 1892. Dans : José Martí. Epistolario, maison d’édition Ciencias Sociales, La Havane, 1993, Tomo 3, pages 114-115.

4 - José Martí. “El Partido revolucionario Cubano”, Patria, New York, 27 mai 1893. Dans : Obras Completas, Œuvre citée, Tome 2, pages 348-349.

5 - José Martí “El tercer año del Partido Revolucionario Cubano”. Patria, New York, 17 avril 1894. Dans : Obras Completas, Œuvre citée, Tome 3, page 143.

 


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