Ismaelillo. Fils de mon âme


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FILS  DE  MON  ÂME

 

Tu flottes sur toute chose,

O fils de mon âme!

De la nuit houleuse

Les vagues

Sur mon sein nu

Te laissent à l'aube,

Et l'écume

Trouble et amère du jour

Te jette dans les eaux

Houleuses de la nuit.

Petit gardien magnanime,

Tu gardes jalousement

La porte déclose

De mon esprit profond;

Et si, cachées dans l'ombre,

jalouses de mon repos,

me chercbent avidement

mes peines innombrables, —

Sur le seuil obscur

Tu te dresses terrible,

Et de tes ailes blanches

Tu leur fermes le passage!

Le matin apporte

Des ondes de lumière et de fleurs,

Et toi sur les ondes

Lumineuses tu chevauches.

Non, ce n'est pas la lumière du jour

Qui m'appelle,

Mais tes petites mains

Sur mon oreiller.

On me dit que tu es loin,

O les folies qu'on me dit!

Eux ils ont ton ombre,

Moi j'ai ton âme!

Ce sont la choses nouvelles,

Miennes et étrangères.

Je sais que tes deux yeux,

Lá-bas dans des terres

lointaines, étincellent, —

Et dans les vagues

Dorées de l'air qui battent

Mon front pále,

Je pourrai de ma main,

Comme si je fauchais un faisceau

D'étoiles, faucher les faisceaux

De tes regards.

Tu flottes sur toute chose,

O fils de mon âme!

                                                                             Ismaelillo (1882).

Extrait de :  Juan Marinello. José Martí, une étude avec une choix de textes.- Paris, Éditions Pierre Seghers, [1970], .  Traduits par JOSEP CARNER, EMILIE NOULET et IRMA SAYOL


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